23 décembre 1982 : la crue centennale

La fin de l'année 2012 marque le trentième anniversaire de la grande crue du 23 décembre 1982, dans la région angevine. Le niveau atteint aux Ponts-de-Cé, le jeudi 23 décembre vers minuit, était de 5,70 m. alors qu'il n'avait été que de 5,68 en 1910 et 5,60 en 1866. Les communes situées en aval des Ponts-de-Cé ont été confrontées à ces inondations.
Du bulletin municipal de Denée, de janvier 1983, nous avons extrait, ci-après, le bref compte rendu de ces évènements.

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“ Que d'eau, que d'eau ! aurait dit Mac-Mahon.

He oui ! ce 23 décembre 82 nous avons battu le triste record de 1936. A l'exception de deux ou trois maisons, toutes les habitations de la vallée ont été envahies par les eaux. Pour certaines, cela atteignait et dépassait même le mètre. Difficile à imaginer, mais dans ces moments là, l'heure n'est pas au tourisme pour visiter.

Plus de 60 % des habitants avaient quitté leur maison et ceux qui restaient se trouvaient dans des conditions précaires. Impossible de circuler d'une maison à l'autre sans bateau ; dans certains cas, il était plus facile de débarquer directement par la fenêtre ou au premier étage. Malgré toutes les difficultés, les soucis, l'angoisse que cela représente, tous ceux qui sont restés sur place ont fait preuve d'un calme et d'une sérénité exemplaires. Qu'ils en soient félicités et aussi remerciés, car les énervements ne facilitent pas les choses.

Pour le cheptel, le problème était aussi difficile car de nombreuses bêtes avaient les pattes dans l'eau depuis plusieurs jours. Il a fallu procéder à leur évacuation, comme partout ailleurs et avec les mêmes difficultés qu'ailleurs. Nous ne raconterons pas dans le détail une aventure vécue par ceux qui étaient sur la brèche il y aurait quelques pages à écrire. Remercions simplement mais sincèrement ceux qui ont aidé et contribué à améliorer la situation ; le 6me Génie et son bac Gillois à l'Ilot, l'E T A S et les pompiers de Tiercé aux Jubeaux. Au total, avec des moyens lourds, ce sont plus de 30 bêtes qui ont été évacuées dans la seule après-midi du 23 ; avec une simple portière de pompiers, nous aurions évacué 6 bêtes au maximum. Il faut ajouter à cela une quinzaine de bêtes parquées sur le pont du Port qui Tremble. Au total, 45 bêtes étaient évacuées avec les moyens du bord lorsque la "dépêche" annonçait une prévision de décrue.
Tout ce travail était-il inutile ? Non, car cela faisait déjà plus de trois jours que les bêtes étaient dans l'eau et s'il n'y avait pas eu de décrue immédiate, il aurait fallu poursuivre de toute urgence.
Merci aussi à ceux qui, sur la terre ferme, ont porté assistance, se sont proposés pour accueillir des personnes évacuées ou héberger le bétail. Leurs gestes ont été utiles et réconfortants.

Enfin, pour terminer par un sourire, sachez que dans la nuit du 25 au 26 décembre, sur le pont du Port qui Tremble, est né un petit veau appelé Moise.”

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En lisant “La gazette de Denée”, des administrateurs de l’association ont posé des questions à Jacques Zeimert qui a vécu ces évènement alors qu’il était maire de Denée.

Quest. Comment fonctionnait le service d’annonce des crues ?
Nous pouvions accéder aux prévisions journalières, vers midi, avec un numéro téléphonique spécial.

Quest. A quel moment la situation est-elle devenue préoccupante ?
La pluviométrie avait été très importante, toute la vallée était déjà inondée et les routes submergées depuis un certain temps - situation classique- mais nous n’imaginions pas que la Loire atteindrait un tel niveau ce qui a posé le difficile problème de l’évacuation de bêtes.

Quest. Il est beaucoup question des bêtes mais pas des personnes, pourquoi?
Simplement parce que l’évacuation des personnes est chose facile, faire monter des vaches qui ont de l’eau jusqu’au ventre dans une embarcation est une toute autre affaire.

Quest. Quelle est la cote d’alerte pour le val du Louet ?
Elle est de 4,50 m (environ 3800 m3/s) aux Ponts-de-Cé mais il faut bien se rendre compte qu’à ce niveau toutes les voies d’accès sont submergées. Il ne reste que le bateau pour se déplacer.

Quest. Quel était le maximum de débit aux Ponts-de-Cé ?
Très proche de 6200 m3/s alors qu’il n’était que de 2000 m3/s à Tours. C’était la situation typique d’une crue de type océanique.

Quest. La quasi-totalité des maisons étaient inondées, étaient-elles de construction récente ?
Non, à l’exception d’une, il s’agit de maisons anciennes construites, en général, sur des points hauts mais pas suffisamment pour être totalement hors d’eau. Certaines commencent à être inondées à la cote 5 m et même moins.

Quest. En combien de temps l’eau a-t-elle monté ?
La Loire était haute depuis très longtemps et, quand sa croissance a continué d’une manière inexorable, elle était de l’ordre de 1 cm/h.

Quest. Combien de temps les maisons sont-elles restées inondées ?
De quelques jours à une dizaine, il faut ensuite nettoyer à “grandes eaux” et surtout laisser sécher dans les courants d’air.

Quest. Quel est votre souvenir le plus marquant ?
Celui de l’évacuation des bêtes le 23, au soir. La nuit commençait à tomber quand nous sommes partis des Jubeaux, avec 15 bêtes à bord de la travure motorisée, et, très rapidement, il a fallu naviguer en pleine nuit, en cherchant parfois les bons passages. A 19h30 nous commencions à débarquer le bétail et, avec l’agriculteur, nous sommes revenus aux Jubeaux vers 21 H.

Quest. L’enfoncement du lit de la Loire a-t-il un impact sur le niveau des crues et craignez-vous que cela se reproduise ?
Si impact il y a, cela ne doit guère être significatif par rapport aux nombreux paramètres qui conditionnent le déroulement d’une crue. A la question de savoir si cela peut se reproduire, la réponse est, sans hésitation, à coup sûr et même avec des niveaux plus élevés. La seule inconnue est de savoir quand !.....

Quest. Que devenaient les habitants restés sur place et qui étaient-ils ?
Le plus âgés avait plus de 90 ans et le plus jeune moins de 6 ans. La vie s’organise en fonction des contraintes et, en ces périodes, il existe une grande solidarité pour répondre aux besoins vitaux ou urgents de chacun.

Quest. Existe-t-il des repères des hauteurs d’eau ?
Oui, chaque particulier grave en général les niveaux atteints chez lui. Il reste maintenant à poser les repères de crue prévus par la loi.

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